Depuis 1983, le 28 octobre est une occasion de célébrer la langue et la culture créole à travers les pays et communautés ayant le Créole en partage, soit plus de 10 millions de personnes à travers le monde. Même si plus de 70% du lexique de la langue créole provient de la langue française, cependant, il y a encore un grand écart entre le creole et le Français.
Lisons Hugues Sanon qui met le Français en question par rapport au creole dans son texte intitulé “Le français, la langue « de facto» qui réduit Haïti en un esclavage linguistique”:
À première vue, qu’on se rassure, je n’ai rien contre la langue française, encore moins de vouloir causer des dommages diplomatiques. Cependant, en tant que bon citoyen haitien, je dois dénoncer l’injustice linguistique que subit Haïti depuis quelques décennies, car je ne veux pas que le peuple Haïtien se résigne de cette injustice qui semble trop longue à endurer.
Encore, je ne vais pas moi-même affirmer que l’adoption de la langue française en Haïti est le résultat de l’occupation politico-économique de la France du territoire haitien, mais je laisserai plutôt à nos analystes politiques, à nos juristes, à nos spectateurs nationaux et internationaux de faire le constat eux-mêmes et de comprendre que nous perpétuons cette occupation en considérant le français comme langue officiel jusqu’à présent.
Il serait sans doute moins plaisant mais assurément plus exact de dire que nous assistons à l’occupation de la langue française dans toutes les affaires internes et officielles d’Haïti.
Bien qu’il existe plus de 6000 langues parlées sur notre planète, le vrai linguiste le sait bien qu’une langue n’est pas seulement un moyen de communication ou une carte d’identité mais aussi une arme dans les conflits politiques, diplomatiques et dans le conflit des cultures.
Ainsi, bien que je ne sois pas un expert en linguistique, mais par amour pour ma patrie je peux ressentir qu’avec le créole qu’Haïti peut être mieux positionné tant sur le plan politique et économique ou au niveau international, car tout haitien maitrise le créole.
Pour l’édification de tous, un bref rappel historique que je veux toutefois mentionner est qu’ avant même l’année de 1804 le créole était déjà parlé sur l’ile de Saint-Domingue. La constitution de 1801 était rédigée en créole.
Nous soulignons aussi que la cérémonie du bois-caïman avait été faite en créole. Le discours de Boukman devant l’élite des marrons dans la nuit du 14 au 15 août 1791 a été fait en créole. En l’an 1793, Napoléon Bonaparte reconnaissait déjà la langue créole de la colonie en faisant traduire tous ces textes officiels en créole.
Ainsi, nous pouvons comprendre qu’on a donné un coup d’état à notre créole. Alors, Il est du devoir de chaque haïtien et de chaque Haïtienne de prendre conscience de l’importance de notre vaillante langue afin qu’elle soit respectée de tous.
J’estime en tant que bon patriote qu’il est de mon devoir de protester contre cette occupation linguistique de la France qui semble vouloir effacer l’histoire de notre belle langue qu’est le créole.
Rappelons que nos ancêtres ont construit le créole pour défier l’ennemi; alors, par respect pour ce grand travail tant appréciable nous accordons au créole l’hommage qu’il mérite.
Cette langue dite “de facto” qu’est le français est aussi la langue officielle de la République d’Haïti depuis 1918 au moment où le pays était occupé par les marines des États-Unis. Où est cette loi que le parlement Haïtien a votée en 2013 portant sur les règlements et le rôle direct de l’académie de la langue créole?
Comment faire valoir la souveraineté d’Haïti sans l’indépendance de sa langue!
Y- a-t-il une similitude entre le créole et le français puisque la constitution de 1987 dispose en son article 5 que: « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune qu’est le Créole. » Il est stipulé également que « Le Créole et le Français sont les langues officielles de la République. »?
N’était-il pas une grave erreur d’avoir mentionné les deux langues comme étant officielles? Alors, j’appelle à une profonde réflexion sur l’avenir du créole et de le défendre dans le respect et la dignité.
Il est clair de tous, chaque fois qu’un Haïtien décide de faire sien le francais comme étant sa langue d’usage, c’est le pays qui semble reculé, pourtant, si on faisait avancer le créole notre beau pays serait perçu mieux tant sur le plan politique que social; alors, Il y a donc urgence de faire en sorte que le créole devienne l’unique langue d’usage sur tout le territoire du pays.
On identifie la langue française comme l’une des plus grandes barrières qui nuisent au développement du pays . La langue française doit cesser de s’imposer comme instrument de domination.
Nous constatons que le français est la langue la plus utilisée au niveau de l’écrit pour les actes juridiques, dans l’administration publique, au niveau des relations commerciales et dans les affaires internationales. Le français est partout et dans tout le pays.
Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’en Haïti, nous savons que des gens se font ignorer parce qu’ils ne peuvent s’exprimer en français . Ils sont considérés comme des illettrés.
Cette discrimination est inacceptable. Elle n’est non négligeable. Toute discrimination constitue pourtant une forme d’exclusion qui divise le peuple.
Nous pouvons déduire du point de vue historique que la langue française est réellement une malédiction pour Haïti.
«Si nous avons pris notre indépendance de la France par les armes, nous devons aussi lui prendre notre indépendance linguistique, afin que nous puissions réellement être reconnus comme un véritable peuple.
Car un peuple sans langage ne saurait être considéré comme étant une véritable nation»
Nous devons résister donc à cette domination linguistique pour éviter la mort de notre créole. Dans cette coexistence du français et du creole, nous ne voyons pas une complémentarité ni de solidarité mais nous assistons plutôt à une prédominance et une occupation.
Que vive notre langue vernaculaire, le créole!
Hugues Sanon
Documentaliste, Recherchiste, humaniste,
Editorialiste